Bolet royal ou pas?

[raboteux]

Bonjour,

Je vois que le sujet du calcaire et de son importance est abordé dans ce fil. Effectivement, cristau, il y a bien des personnes intéressées pour développer ce sujet (moi en premier lieu, avec mes très modestes connaissances sur le sujet...).
De ton côté, tu as l'air de t'y connaître : il y aurai bien quelques questions que je pourrais te pose à ce sujet, mais je ne sais pas si c'est le bon fil pour ça (on peut en ouvrir un autre au besoin...) et surtout si tu es ou pas sur le forum en ce moment...

Tu me diras....

[CristaudeHauguernes]

Bonsoir raboteux,
Je passe sur le forum environ une fois par jour, histoire de voir s'il y a des sujets intéressants et ça me permet aussi de me faire une idée de la teneur et de l'évolution de la saison, globalement, en France. J'ai été amené à m'intéresser au rôle du calcaire ou plutôt de la teneur en calcaire dans la composition des sols par rapport à certaines familles de champignons, notamment les cèpes. En particulier lorsque je me suis penché sur les facteurs limitant ou facilitant la présence de boletus edulis dans mes paysages familiers. Tout cela part de nombreuses observations et prises d'informations de terrain et n'a pas de valeur scientifique. On peut en discuter ici si ce n'est pas trop long ou ouvrir un sujet spéficique si tu veux.

[raboteux]

Bonjour Cristau,

je m'intéresse au sujet du sol car je le vois responsable de constats que j'ai pu faire dans les alentours de mon lieu de vie actuel (sur plus d'une dizaine d'année, je précise) :

- je constate que les collines autours de chez moi sont très pauvres en Edulis : si je veux en trouver, je dois faire 30min de voiture et aller dans une partie de l'Isère moins calcaire, pour autant "mes collines" sont couvertes d'un mélange de châtaigniers, de charmes et de chênes. Il y a même pas mal de châtaigniers, ce qui prouve que "mes collines" sont peut-être calcaires, certes, mais pas temps que ça. Mais, malgré la présence des châtaigniers, Edulis n'y pousse pas, bien qu'il affectionne ces arbres....A noter que Muscaria n'y pousse pas non plus (comme par hasard...)

- par ailleurs, mes collines sont très favorables à Aestivalis : j'en trouve chaque année de grandes quantités, ce qui me pousserait à croire que ce cèpe est bien moins calcifuge qu'Edulis.

- toujours dans ma zone, la présence d'Aereus est très sporadique : un par ci par là, mais bien moins qu'Aestivalis. C'est cette espèce qui me fait poser le plus de questions aujourd'hui : quand je consulte la littérature, on voit tout et son contraire. Par exemple, wikipedia et d'autres sites disent qu'il aime surtout les sols acides mais pas mal d'autres sources disent qu'il s’accommode de tous types de sols, d'autres sources disent même qu'il aime les sols calcaires....

A bientôt.

[CristaudeHauguernes]

Bonjour Raboteux,
Malgré les centaines de kilomètres qui nous séparent, je note que nous nous sommes posés les mêmes questions.
Je me suis intéressé au facteur calcaire lorsque après des années à étudier le comportement de certaines espèces de cèpes dans mon terroir, j'ai repéré une "coïncidence" entre le fait que j'habite un secteur assez, voire très riche en calcaire dans un rayon d'environ 3 kilomètres autour de la maison et que dans ce périmètre, je n'avais jamais trouvé d'édulis, à l'exception un peu miraculeuse d'un "sapin de Noël" replanté par un voisin et ami à environ 1,5 km (ce qui donne à penser que édulis tolère quand même une certaine teneur en calcaire dans le sol si certains arbres qu'il affectionne sont présents naturellement ou accidentellement dans le paysage, sapins, bouleaux, il y a aussi des tue-mouches sous cet épicéa de Noël.) Je prendrai pour exemple une colline voisine à environ 3 km, je n'ai jamais trouvé édulis sur son flanc nord, mais les autres cèpes y sont souvent abondants. Un petit champignon, l'hygrophore des bois, très présent dans ce secteur trahit la teneur en calcaire du sol, vraisemblablement trop élevée pour édulis. étrangement, sur le versant sud, je ne trouve pas l'hygrophore des bois et on y rencontre des édulis avec les autres cèpes.
Pinophilus ne m'étant jamais apparu dans mes plaines j'ai dans l'idée que les trois autres espèces sont toutes assez acidophiles, édulis étant de loin le plus acidophile de tous, mais aestivalis et aereus sont plus ubiquistes et indifférents à la composition du sol avec une plus grande appétence pour le calcaire (il faut voir ce que je peux trouver comme aereus sur le rebord d'anciennes carrières sous les chênes, mais pas dans les anciennes carrières elles-mêmes, non seulement trop de calcaire sans doute, et pour cette raison absence de chênes et de châtaigniers.)
Après, dans la nature, la composition du sol est une question de nuances et peut varier très vite, en quelques mètres. J'observe dans mon terroir des raidillons peuplés de jeunes chênes, à quelques dizaines de mètres des carrières, et tout indique que là, c'est très acide. En montagne, un enjambement suffit parfois à passer d'un pierrier calcaire à une prairie acide et les édulis apparaissent nonchalamment au pied des dernières barres calcaires.
Dans mes écosystèmes, même si ça ne fonctionne pas toujours le bolet à pied rouge me sert souvent de point de repère et de marqueur, je le trouve souvent dans des zones plus acides que les aereus et les aestivalis tendent à éviter (je les trouve à quelques mètres mais rarement mélangés) et il accompagne souvent édulis dans des biotopes très acides. Dans mes bois, c'est très net et du coup, en prospection, erythropus me sert souvent de mise en veille lorsque je cherche édulis, en plus des végétaux caractéristiques.
Bonne journée

[raboteux]

Merci!
Effectivement, quand on dit qu'un sol est calcaire, c'est qu'il l'est "globalement", mais localement,on peut avoir des variations importantes.
Je connais deux endroits où la fougère aigle pousse dans mes collines : dans un de ces deux endroits (grand comme un carré de 30x30m) poussent même les seuls Edulis que je puisse trouver sans quitter mon secteur, on trouve aussi muscaria d'ailleurs...
Autre étonnement : Muscaria pousse très peu dans les bois autours de la maison (sauf l'exception cité ci-dessus) mais elle pousse étonnement très bien sous les épicéa que ma voisine a planté dans son jardin, il y en a de partout en saison!
Tout cela est très complexe, c'est certain....

[Hervé92]

Discussion intéressante à laquelle je m'invite. Dans le Grand-Est, les edulis poussent essentiellement dans les Vosges. En plaine, j'en trouve en quantité notable dans trois forêts. Ailleurs, ils poussent très sporadiquement, il est rare que j'en trouve plus de 10. Dans certains forêts, je n'en ai jamais trouvé. Si l'on regarde une carte géologique, deux des zones où ils poussent correspondent aux zones q2



soit des zones alluvionnaires du quaternaire en bordure de la Meurthe et la Moselle. Si l'on zoome, j'ai fait figurer les trois zones, les deux premières en bleu et rouge, la troisième en noir : elle n'apparaît pas clairement sur la première carte.



Ce qui est intéressant, c'est que les trois forêts présentent à la fois ces zones propices à edulis (au sud pour la zone noire, à l'ouest pour les deux autres), et des zones où poussent aereus et aestivalis (zones jaune et orangé) correspondant à des terrains moins acides. Les terrains propices à l'un ou à l'autre sont bien marquées, je passe à de coins à edulis à des coins à aereus/aestivalis en quelques centaines de mètres dans la même forêt.

[raboteux]

Très intéressant. Merci Hervé.

J'utilise aussi pas mal les cartes géologiques, via le visualisateur infoterre. Et aussi les cartes forestières accessibles sur le site de l'ifn. Mais je n'ai jamais réussi a trouvé un même site qui réunisse les deux possibilités (forestière et géologique), sous forme de couches activables ou pas, le tout sur un même fond de carte IGN.
Sais-tu si cela existe?

Pour revenir à la quette d'Edulis, en plus des cartes géologiques, en théorie il y aussi les végétaux bio-indicateurs du sol acide : fougère aigle, bruyère, myrtillier. Je dis en théorie car pour la fougère, par exemple, il arrive qu'elle s’accommode de sols calcaires (elle serait présente en isle-crémieu qui est pourtant le secteur le plus calcaire de l’Isère avec du sol "jurassique).
Le myrtillier, lui, se trouve surtout en montagne. En plaine, il reste donc la bruyère.....

[Cesar21]

Pour avoir la chance de rencontrer les trois sur une même colline , je puis affirmer a 99.99% que l'exemplaire sur la photo n'est pas un bolet royal ,c'est un appendiculatus s'il a été trouvé sous feuillus ou subappendiculatus s'il a été trouvé sous conifères , très difficile a les différencier les deux hormis l'écologie . Le bolet royal a également le pied jaune , parfois vif mais surtout le chapeau très rose comparativement et reste jaune a la coupe ,le faux royal bleuit à la coupe au niveau du chapeau....il faut que je retrouve les photos . trouvé sur colline argilo calcaire juin a août , thermophile ,annonce souvent les aestivalis , aéréus et oronges dans cet ordre .Les appendiculatus peuvent se rencontrer également en début de saison mais peuvent également être plus tardifs ,tant les conditions sont différentes d'une année sur l'autre actuellement

[Cesar21]

Régius , semi régius et coupe

[Hervé92]

Merci Philippe pour ces précisions. Pas simple à identifier ces bolets !

Pour revenir à la question de raboteux, j'utilise géoportail avec les masques suivants



La carte forestière se trouve sous Développement durable, énergie/forêts. On y trouve aussi les forêts publiques, cela me permet d'éviter les forêts privés et les forêts communales avec un réglement, du moins d'y être un peu plus vigilant si j'y suis .

Pour les sols, il y a deux cartes parmi d'autres : la carte des sols se trouve en dessous sous occupation des sols. Une fois activé, en faisant un clic gauche sur la carte à l'endroit où on veut avoir de l'info, une pop-up s'affiche avec les renseignements qui vont bien



C'est pareil pour les forêts : ce clic est utile car parfois il est difficile d'identifier la couleur avec certitude et de pouvoir se référer à la légende.

Géoportail est riche d'infos, les thématiques s'enrichissent de temps et en temps. Et on peut superposer plusieurs cartes avec plus ou moins de transparence, l'outil est vraiment sympa.

Bonnes recherches

[CristaudeHauguernes]

Bonsoir à tous,
Concernant appendiculatus, regius et pseudo-regius, la différence n'est pas toujours évidente sur le terrain.
Je n'utilise pas Géoportail, en tout cas pour l'instant, pas par opposition, mais parce que je n'y songe pas. Sur le sujet des sols, j'ajoute que certaines essences d'arbres modifient au fil du temps et parfois de façon très localisée la composition des sols, les châtaigneraies très denses, avec énormément de rejets au sol et des gros tas de feuilles en décomposition stratifiées acidifient énormément le sol, il en est de même avec les chênaies rouges, on peut donc y rencontrer parfois des espèces acidophiles comme edulis, pourtant introuvables à quelques mètres. Les chênes pédonculés et d'autres essences qui présentent des feuilles plus petites et une jonchée moins abondantes au sol, n'ont pas un tel pouvoir. Beaucoup de mes sols à edulis sont "noirs", c'est très net, en ce qui me concerne, l'identification des sols favorables est visuelle et la traversée de certains paysages, parfois totalement hors saison, me met en alerte, et assez souvent lorsque je repasse au bon moment, j'en trouve, même si ça peut prendre plusieurs années. Mes sols à aestivalis et aereus n'ont pas la même couleur ni le même aspect visuel même si dans les bois que j'arpente ça se joue parfois à quelques mètres et en de très rares placiers, je peux trouver les trois espèces sous le même arbre au fil de la saison.
Après, je me suis toujours posé la question de formes ou variétés d'edulis plus tolérantes au calcaire. On sait que ce cèpe adore les bouleaux, lesquels poussent parfois sur des carrières calcaires désaffectées.
Bonne soirée

[raboteux]

Bonjour,

Merci hervé, geoportail permet effectivement de faire ce que je voulais...c'est parfait maintenant, plus besoin de jongler entre plusieurs onglets du navigateur internet....

Cristau : tu parles du chêne rouge, cette essence est presque absente dans ma région (ici on a du rouvre ou du pédonculé...). Mais à la lumière de ton témoignage et d'autres trouvés sur internet (par exemple ici : https://www.lepoint.fr/culture/en-perig ... 1242_3.php, il semble que ce chêne à croissance très rapide soit très bon pour édulis....C'est une piste, surtout s'il acidifie le sol, comme tu le dis....Après, par ici, il y a parfois des chênaies pures (ou presque pures), mais pour les cèpes j'ai toujours eu plus de succès dans les forêts où il y a du mélange, surtout pour Edulis.

Un autre paramètre important est l'âge des arbres, il y aurait à dire.........

[Jes]

Hello

Concernant le "chêne rouge", il existe de nombreuses espèces/variétés/cultivars, souvent très difficiles à différencier, +/- adaptés à différents types de terrains, et pas tous avec les même associations champignonesques!

Dans mes coins, hors jardins, Quercus rubra est plutôt rare, assez localisé et généralement mêlé à d'autres essences.
Quercus palustris (ou espèce proche) est plus fréquent, souvent en milieu +/- humide, parfois en plantation +/- monospécifique.
Jamais observé de Cèpes sous celui-ci (pas vraiment cherché non plus, mais pas l'environnement typique, de toutes façons...)

[CristaudeHauguernes]

Tu fais bien de parler du palustris, le chêne (américain) des marais, dont les feuilles sont plus découpées que celles de quercus rubra. Surtout, il ne faut pas s'y fier, car, contrairement à ce que son nom prête à croire, il n'est pas du tout inféodé aux milieux humides. C'est un excellent hôte des cèpes, à Pau je me souviens d'un square avec deux ou trois palustris coincés entre les voies de circulation. En novembre, on y observait des têtes noires, des aestivalis et des edulis au milieu des bus, des voitures et des scooters.
Le chêne rouge également peut s'associer aux trois espèces de cèpes précitées et peut donner lieu à des levées spectaculaires. Ce que je trouve vraiment fascinant, c'est sa capacité à faire venir des cèpes de Bordeaux dans ses gros tas de feuilles stratifiées quand cette espèce est absolument introuvable sous les essences autochtones à quelques mètres. Mais bien entendu ça ne fonctionne pas toujours et le grand chêne américain ne fait pas toujours de miracles, on peut planter des lignes de rubra dans des secteurs forestiers où les essences indigènes n'ont jamais délivré le moindre cèpe pour cause de facteurs défavorables (à commencer par le sol), la probabilité est assez grande qu'on y en trouve pas davantage.